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lundi 22 février 2016

Les yeux dans les yeux (A suivre)

Partie Une


Et si nous allions nous promener ensemble, tu ne penses pas que ça serait une bonne idée? Oui il fait froid en ce moment je sais mais au moins c’est beau, toute cette neige qui nous entoure, c’est comme des murs de cotons qui protégeraient nos mots. Que fais-tu, à quoi penses-tu?
Je n’arrive même plus à imaginer tu sais, ça ne fait qu’un an mais quelle année! C’est pour ça, il faut que l’on se voit, il faut que tu me parles de ton année de voyages et de découvertes. Tu m’as manqué tu sais, je n’ai pas cherché à te parler car je trouvais ça mieux pour moi aussi de prendre mes distances surtout après notre dernière soirée avant ton départ. J’y ai souvent repensé évidemment, toi aussi j’imagine quand même.
Je ne sais pas si c’était une erreur de nous séparer de cette façon, je ne sais pas si nous devions nous aimer de cette façon avant d’en finir. Un an plus tard je n’ai pas de réelle réponse mais une chose est sur, je ne regrette pas. Nous devions nous séparer nous le savions, la façon dont cela s’est fait n’était peut-être pas idéale mais au final ça a été bénéfique, tu ne penses pas? J’espère ne pas dire de bêtises qui te feront hésiter à me revoir car j’en ai vraiment envie. Il s’est passé des choses aussi dans ma vie, j’ai moins bougé que toi, enfin moins loin en tout cas mais j’ai quand même vu des choses et vécu de nouvelles choses. Je ne sais pas si je devrais attendre pour te le dire mais dans le doute où tu attendrais autre chose de moi... J’ai aimé à nouveau. C’est encore récent, ça n’a pas été facile après toi mais surtout ça n’a pas été facile car il est étranger, c’est un italien. Ne rigole pas, je sais que ça sonne très cliché l’amoureux italien pendant des vacances d’été mais... c’est exactement ça. Enfin bon, je te raconterais avec plaisir toute mon année en face à face plutôt qu’en lettre donc j’attends de tes nouvelles.
Réponds moi s’il te plait, nous ne sommes pas fait pour vivre loin l’un de l’autre.
Je t’embrasse,
Lou.


Est-ce que je fais bien de lui écrire? Oui, ça sert à rien d’hésiter et puis j’ai attendu trop longtemps. Je fermais l’enveloppe doucement, pris ma cape et je sortais dans le froid de février. Je n’attendais pas grand chose de cette lettre, enfin évidemment qu’une réponse était espérée mais de ne pas en recevoir ne me rendrait pas vraiment triste non plus. Je laissais tomber la lettre dans la boite de la Poste du bout des doigts puis je m’en détournais en cherchant dans mon téléphone le dernier message de Nina. Il datait de quatre jours, j’avais donc mis seulement quatre jours avant de lui écrire en apprenant de ma soeur qu’il était rentré en France. Quatre jours seulement mais quatre jours d’intense hésitation tout de même. J’espère que c’était un temps raisonnable, pas trop tôt quand même... Enfin il lira le contenu de ma lettre, il n’y a pas d’équivoque, je n’attends plus rien de nous en tant que couple. Je rentrais chez moi en me disant que les prochains jours allaient être tout de même assez dur à occuper pour m’empêcher de regarder ma boite aux lettres ou de courriels dix fois par jour.


Salut Lou.

J’ai été très surpris de trouver une lettre pour moi, encore plus venant de toi. Je te réponds aussi par écrit bien que cela prenne plus de temps, mais j’ai trouvé ça charmant d’utiliser ce moyen de communication et c’est vrai que j’ai préféré te lire de cette façon que sur un écran.
Tu n’as pas pris le temps de me demander mais je vais bien merci. Je t’embête mais je te connais assez pour comprendre que tu as eu du mal à m’écrire cette lettre et j’en apprécie son côté un peu décousu.
J’ai en effet beaucoup repensé à mon départ et à la façon dont j’avais laissé les choses mais je suis rassuré de voir que nous sommes en accord sur le fait qu’il le fallait. Je n’ai pas réussi à vraiment t’oublier et je sais que c’est un peu égoïste de te dire les choses comme ça mais tu as été honnête, je me dois de l’être aussi. Ne t’en fais pas pour moi, je suis vraiment content de savoir que tu as retrouvé l’amour bien que la situation soit assez cliché en effet. Et à ce propos, j’en viens enfin à te donner ma réponse, c’est avec plaisir que je te reverrais pour parler de tout ce qui nous est arrivé durant cette année loin de l’autre. Il y a vraiment eu des moments difficiles pour moi d’être aussi loin de toi et sans nouvelles, tu m’as beaucoup manqué. Après tout, on se connait depuis plus de dix ans et tu as été mon plus grand amour, on ne s’en remet pas en prenant simplement l’avion.
Je te laisse mon numéro, appelle moi quand tu veux pour qu’enfin je revois tes beaux yeux et ton sourire d’enfant. Je veux tout savoir de toi, de ton éphèbe, de tes aventures.`..
A bientôt je l’espère,
Guillaume

Le téléphone sonna trois jours plus tard. 9h un dimanche matin. Plutôt surpris je pris l’appel pensant à une publicité.

«Hm, oui allo?
- Allo? Guillaume? C’est Lou...
-... Euh, Lou? Euh oui, ça va? Je répondis en bafouillant comme un adolescent timide.
- Oui ça va. Je te dérange peut-être, ou je te réveille? Le courrier passe assez tôt chez moi et je n’ai pas vraiment réfléchis en fait. Pardon...? Sa voix était toute douce, elle semblait vraiment regretter et évidemment je ne trouvais cela que plus attendrissant.
- Non j’étais réveillé ne t’inquiète pas! Juste surpris. Mais content, mais d’abord surpris. Enfin voilà je ne suis pas très clair, la surprise peut-être encore qui fait effet, plaisantais-je me sentant quand même bien ridicule.
-Si ce n’est que de la surprise ça va alors surtout si tu es content aussi. Tu imagines donc que j’appelle pour que l’on se voit, j’espère ne pas trop te surprendre pour le coup! Sa voix avait repris de l’assurance et était redevenue enjouée.
- Oui j’imagine bien que tu appelles pour ça, quand souhaites-tu que l’on se voit alors et où? Je suis libre comme l’air donc je me plierais à tes souhaits.
- Je voulais te proposer mardi à partir de midi, je connais un restaurant grec qui a ouvert récemment et qui est tellement charmant, leurs plats sont délicieux et pas encore trop cher! C’est idéal pour parler et il reste ouvert jusqu’au soir donc on aura tout le temps de manger et discuter. Ça te dit?
-Comment pourrais-je refuser face à une offre si alléchante! C’est parfait alors, mardi midi et tu m’enverras l’adresse de ton petit restaurant, j’y serais sans faute.
-Super! Je suis contente, on fait comme ça alors, à mardi Guillaume!»


Et elle raccrocha en me décrochant un grand sourire, elle avait toujours ce pouvoir là apparemment. J’étais tout excité et en même temps très serein, notre échange avait été si naturel malgré mon début chaotique, mais retrouver sa voix, son énergie et se parler comme si nous nous étions quittés hier faisait vraiment du bien.

Partie Deux

Source

Je l’attendais. J’étais en avance évidemment, non pas que ça soit dans mes habitudes mais j’avais peur d’être en retard ne connaissant pas le lieux et j’étais un peu anxieux. Et puis elle est arrivée, dans sa robe jaune, ses collants en laine à pois et son manteau rouge.
Elle s’est dirigée vers moi et sans dire un mot elle s’assit en face de moi. Nous sourions, mais les premiers instants furent difficile. Je ne savais pas quoi dire, elle non plus. Du temps avait passé mais nos sentiments avaient-ils bien coulés autant que l’eau qui était passée sous les ponts? Je ne savais pas quoi penser mais j’étais heureux de la voir.
«Comment vas-tu? commençais-je pour briser ce silence.
- Très bien, il fait beau aujourd’hui ça me fait plaisir. Et toi?
- J’étais un peu stressé ce matin mais ça va maintenant! J’avais un peu peur d’être mal à l’aise à l’idée de te revoir mais au final je me demande de quoi j’avais peur, avouais-je en souriant.
- Je te comprends, c’est vrai que j’ai un peu ressenti ça aussi mais on se connait trop pour qu’il y ait un malaise, c’est presque cette habitude qui est malaisante !
- Ça me fait plaisir de voir que tu n’as pas changée même si tu sembles t’être embellie et avoir pris des couleurs... le charme de l’Italie n’est-ce pas?» Je la taquinais un peu mais je voulais surtout aborder ce fameux sujet assez tôt, j’y avais trop pensé inutilement de mon côté. C’était vraiment idiot de ma part mais autant me débarasser de cette histoire et avancer.
«Ah... oui en effet. Tu ne veux pas qu’on commence par commander avant de nous raconter nos vies? On va mourir de faim si on s’y met tout de suite, répondit-elle doucement.» Elle avait du sentir que ce sujet me touchait un peu et elle préférait que l’on soit installés tranquillement devant nos assiettes pour ne pas s’interrompre.
Nous choisissions tout deux le menu du midi et avant que notre entrée ne soit apportée elle commença son récit.

«Donc après ton départ précipité le lendemain du nouvel an je suis restée avec nos amis pendant une semaine encore pour profiter de la fin de nos vacances. Cette semaine a été particulière, il y avait ton départ mais pas seulement. Nina aussi partait en stage, seulement pour 5 mois mais à l’autre bout de la France et j’allais me retrouver seule dans mon appartement alors que j’étais en année sabbatique. Ma vie allait perdre ses deux piliers les plus importants, mes amis reprenaient leurs études ou leur travail loin de Capbreton. C’était une semaine entre rires et larmes et les adieux furent difficile. Ma soeur eut beaucoup de mal à me laisser sachant que notre rupture m’affectait beaucoup.
Je me retrouvais donc en janvier assez seule, avec l’océan comme compagnie principal. Tu le sais que Capbreton l’hiver ce n’est pas très vivant mais que veux-tu, c’était là où mes parents avaient un appartement que je pouvais utiliser sans payer de loyer je ne pouvais pas trop me plaindre.
J’ai pas mal vadrouillé dans la région, j’ai beaucoup remis en question ma situation. Je repensais beaucoup à toi et au nombre de fois où tu m’avais prévenu que de prendre une année sabbatique avant ma maitrise était un gros risque. J’y repensais beaucoup et je t’en voulais souvent.Evidemment que je t’en voulais, tu m’avais fait part de tous tes doutes sur mon choix de ne rien faire un an, tu m’avais prévenu des dangers et tu étais parti alors que je comptais sur toi pour m’aider. Je ne savais pas à l’époque que tu étais aussi perdu dans ta vie, je ne l’ai compris qu’après en ayant quelques nouvelles d’Alexandra à qui tu confiais pas mal. Mais à ce moment tu étais parti comme un voleur, je ne pouvais pas faire autrement que de t’en vouloir.
Mars est arrivé et avec lui le beau temps, j’ai pu passer plus de temps à la plage à lire. Je reprenais un peu goût à des plaisirs plus variés, plus loin de mes séries ou de mes films. Je cherchais du travail comme la saison reprenait bientôt mais qu’il fallait des personnes déjà pour tenir les boutiques ou les cafés qui réouvraient. J’ai rapidement trouvé un emploi de serveuse dans un petit restaurant de fruits de mer, oui je fais dans l’original. Ce mois de mars a été un renouveau, je pensais un peu moins à toi et je me posais beaucoup plus pour affronter ma vie et réfléchir à «après».
J’ai rencontré Miranda et Stéphane, deux jeunes qui faisaient leur études à Bayonne en événementiel et qui travaillait au Casino. Ils étaient plein d’énergie, de cette énergie qui émane des gens passionnés. Ils aimaient leur étude et tout ce qui touchait aux voyages. Leur projet est de travailler pour des organismes d’événementiels à l’étranger, Stéphane pensait à une boite de mariage qui planifierait des mariages dans d’autres pays avec des formules cérémonies-voyages. Ils avaient plein d’idées, me parlait souvent de leurs projets et ils étaient très touchant. Tu vois dans ces moments je voulais t’appeler car tu étais le seul avec qui je voulais partager ça, je voulais pouvoir te dire «Tu vois Guillaume ça ne sert pas à rien de ne pas étudier, je rencontre des belles personnes, je m’enrichis» mais je voulais aussi pouvoir te confier que la lumière qu’ils dégageaient ne faisait que ressortir mon sombre ennui dans ma vie. Quand je rentrais le soir après avoir pris un verre avec eux, seule dans mon appartement, il m’arrivait de me mettre devant la télévision en lançant un film et de sentir sur mes joues des larmes couler. Une lassitude m’envahissait et me clouait au canapé, je me sentais inutile et le rayonnement que ces deux personnes avaient je n’arrivais pas à m’en nourrir pour réanimer ma vie.
J’allais mieux pourtant mais j’affrontais des grosses rechutes. Puis, est arrivé Mai. Tu sais cette chanson de Rose que j’aimais te passer quand on avait un coup de mou, c’était quoi déjà... Ah oui, «Mais ça va». Je me rappelle des paroles car elles m’ont frappées tant elles étaient si vraies face à ma situation actuelle. «Et puis un jour on passe à autre chose / On ouvre nos paupières closes / Un matin on sait pas pourquoi / On sait pas comment mais ça va». Oui, un jour ça va mais ça ne veut pas dire que ça se passe sans souffrance.



On était en Mai, la saison commençait et je sortais de ma torpeur. J’avais très peu dépensé pendant ces deux derniers mois et en plus de mes économies ce que j’avais gagné commençait à me faire une bonne somme. Je passais du temps avec Miranda et Stéphane toujours et Miranda s’intéressait vraiment aux permis vacances-travail pour partir après sa licence pro au Brésil. Ce projet m’avait beaucoup touché, j’y pensais de plus en plus. J’avais envie de me sentir en vie et ce n’était pas à Capbreton que cela allait m’arriver. J’avais repris le patchwork un peu aussi et un jour en allant acheter du matériel je suis tombée sur un concert de rue. Je suis restée sans voix. Toutes les deux semaines la mairie mettait en place une scène ouverte pour que des jeunes groupes puissent se produire gratuitement. J’oubliais ce genre d’événements et ce soir là je me suis retrouvée face à un groupe qui m’a profondément touché.
Comme je t’ai dit je n’allais pas bien, j’allais mieux, de mieux en mieux mais ce n’était pas encore profond. Pourtant, en écoutant ce couple chanter sur un accompagnement de piano, guitare et violoncelle une sensation d’apaisement m’envahissait. Je restais clouée sur place, leurs voix entonnaient un chant en anglais que je n’arrivais pas à comprendre ou que je n’essayais pas de comprendre. Leurs musique m’apaisait, je me sentais soudain comme dans des bras aimants dans lesquels je peux enfin tout confier, comme si tu étais un peu là à nouveau. Des frissons m’envahissaient, je revoyais mes derniers mois à Capbreton passés dans une brume opaque, je ressentais d’un coup toutes ces émotions que j’avais fuies sur le moment toute cette solitude et cette détresse. Je croisais mes bras, je serais mes bras avec mes mains tremblantes et je m’appuyai contre un arbre. Je pleurais, mon coeur me faisait si mal. J’étais si perdue, je ne savais plus quoi faire, il fallait que je me trouve un but mais quoi? Il fallait que je quitte cette ville, mais pour aller où? Il fallait que je refasse confiance à mes sentiments, mais comment faire quand la personne que j’avais aimé s’était envolée presque sans un mot? Je pleurais en essayant de sortir enfin toute cette tristesse accumulée en restant entourée de leurs chansons enivrantes et rassurantes. Ils jouaient pas mal de temps, peut-être une demi-heure en alternant des reprises et des compositions originales. Je restais tout ce temps appuyé contre mon arbre, je me calmais peu à peu jusqu’à ne plus avoir de larmes à évacuer. Leur dernière chanson était une reprise de Mika «Last Party». Ce final avait beaucoup de signification pour moi, je me sentais comme encouragée à enfin profiter de ma vie, de reprendre enfin goût à tout ce qui m’étais accessible et à me lancer dans une nouvelle aventure. Je souriais si fort que je commençais à avoir mal aux joues. J’étais envahie d’une sensation chaude, rassurante, confiante. J’avais ouvert les vannes, c’était le moment de m’envoler.
A la fin de leur représentation je suis allée les féliciter évidemment sans m’étendre et j’ai promis d'acheter leurs titres disponibles en ligne. Je pense qu’à ce moment ma joie et ma gratitude face à leur concert m’étaient rendu par leur joie d’avoir autant pu toucher quelqu’un.
Je repartais seule à mon appartement sans avoir fait mes achats mais ce soir là quand je me suis couchée tu sais, je n’avais plus peur du lendemain. Et en effet, je me réveillais en souriant et la chanson de Rose résonnait dans ma tête « Un matin on sait pas pourquoi / On sait pas comment mais ça va», et ça allait.
Je te raconterais la suite plus tard, je veux ton récit de ton départ à l’aventure aussi!»



J’avais parlé pendant toute l’entrée et nous avions déjà entamé le plat. Il avait peu intervenu dans mon discours, j’avais fait quelques aparté et avait répondu à quelques unes de ses questions mais il n’avait pas semblé s’ennuyer. J’avais été dure car j’avais eu besoin d’être sincère, si je ne lui avais pas raconté ce que j’avais traversé honnêtement j’aurais recommencé à me créer des poids sur le coeur et c’en était fini de tout ça. Il avait été gêné je le voyais et j’avais aussi été très embarrassée mais il avait fallu que ça sorte pour que l’on puisse avancer à nouveau.
Nous prenions une pause en buvant notre vin rouge et en mangeant silencieusement, puis il commença à me raconter ce qu’il avait vécu depuis son départ en janvier 2015.

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