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mardi 17 février 2015

A la fenêtre


Elle en avait rêvé depuis des années de cet appartement. Un petit endroit juste pour elle, qu'elle aménagerait avec pleins de livres, des sièges confortables, des couvertures douillettes, des photos par centaine, de jolies décorations... Elle en avait rêvé de ce grand lit de princesse, de cette petite cheminée et surtout, de ce petit balcon. Et elle l'avait enfin trouvé, c'était enfin chez elle, et aujourd'hui plus qu'un autre jour, elle trouvait dans cet appartement la quiétude dont elle avait tant besoin.
C'était le printemps, il pleuvait averse sur la ville. Elle s'était installée sur son bord de fenêtre qu'elle aimait tant. Elle avait placé une petite banquette confortable contre le mur juste sous la fenêtre, celle qui donnait sur un tout petit balcon. La jeune fille s'était assise, un thé à la main réchauffant son visage pâle. Lili n'était pas heureuse, elle le savait, même dans son appartement chéri, elle ne l'était pas. De toute façon pensait-elle, il ne suffit pas d'un bel endroit pour être heureuse. Seulement, elle ne pouvait pas dire qu'elle était malheureuse non plus, ce n'était pas vraiment ça, elle n'était pas triste, pas tout le temps. Elle vivotait simplement entre bonheur et tristesse, dans son bel appartement.
C'était l'après-midi et elle n'avait rien à faire, surtout, elle n'avait rien envie de faire. Alors, elle s'était préparé un thé au citron, et elle s'était installée sur son sofa pour observer par la fenêtre la ville se recouvrir d'un voile humide et tremblotant. Elle aimait ça, la pluie, surtout au printemps. Elle détestait l'hiver et son froid qui lui gelait le coeur, et elle avait un peu peur de l'été et de ses orages qui la faisaient trembler de peur. Alors la pluie printanière était la plus agréable, douce et calme apportant un manteau de silence sur sa petite ville. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas le bruit, mais elle n'aimait pas lorsqu'il y avait trop de monde et trop d'agitation. Ce qu'elle préférait c'était être seule, face à sa fenêtre, en sécurité, avec ses pensées. C'était une jeune fille calme, elle avait appris à ne pas parler pour ne rien dire, elle avait appris à utiliser ses mots précautionneusement, mais si elle se retrouvait entourée d'amis ou de connaissances, elle s'adaptait au groupe et ne restait pas silencieuse pour autant. Elle était comme ça, elle s'adaptait aux personnes, elle souriait en public car c'est bien vu d'être gaie, elle disait bonjour facilement car c'est poli de se saluer même sans se connaitre vraiment, elle sortait parfois aussi car il faut entretenir les relations amicales de cette façon, oui, elle faisait tout bien Lili. Cela ne la dérangeait pas vraiment, elle éprouvait parfois un sentiment de joie, proche du bonheur même à certains moments. Mais étrangement, elle se sentait toujours seule. C'était étrange car elle avait des amis, des amis proches, et de très bonnes relations familiales, mais il lui semblait toujours qu'elle était seule. En réalité elle s'y était habituée, et elle avait appris à apprécier, c'est pourquoi ces journées à ne rien faire, à rester seule à la fenêtre de son appartement, elle les choyait. Il était tout doux pour elle de pouvoir être seule, ne pas devoir tricher, se forcer, ou faire des efforts pour les autres, c'était agréable pour elle de pouvoir passer des journées enfermée, avec sa musique, ses livres, ses films, ses thés et sa banquette près de la fenêtre. Lili n'était pas heureuse non, c'est vrai, mais Lili aimait sa vie, elle aimait très fort des personnes, et elle s'aimait aussi de temps à autres.
Et puis surtout, elle aimait la pluie, vraiment beaucoup. La pluie chantait une mélodie mélancolique, elle berçait les pensées de la jeune fille, elle exprimait tout ce dont elle n'était pas capable d'extérioriser. Souvent, elle voulait pleurer, elle en avait besoin. Il y a des jours où elle se levait une boule dans la gorge, les yeux humides, la faim qui l'avait quittée, le sourire impossible à afficher. La fatigue devenait lourde, car elle venait de l'intérieur, c'était son coeur qui aujourd'hui n'arrivait pas à faire semblant de bien aller. Alors, elle espérait pleurer, pour tout laver, pour se purger de ces sombres bras collants qui créaient une mer noire dans son âme. Elle se battait souvent, elle ne se laissait pas sombrer, mais il arrivait que la pauvre enfant passe sa journée sur son sofa, la gorge nouée, à attendre que la pluie tombe, pour que le ciel pleure pour elle et l'aide à respirer. C'est pour cela qu'elle aimait tant la pluie, car Lili ne pleurait plus, ne pleurait plus depuis longtemps, mais la pluie, elle, continuait de tomber.
Son thé refroidissait, elle pourrait bientôt le boire, elle leva les yeux aux ciel et elle sourit, elle savait qu'un jour, comme ce ciel oppressé de lourds nuages, elle pourrait ouvrir les vannes, et enfin déverser par torrent toute cette tristesse qui la tourmente depuis trop longtemps. En attendant, elle continuerait sa douce vie, agrémentée de hauts et de bas, de petites joies et de grandes peines, et de soleil et de pluie.

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